Mater dolorosa
J'ai vingt-cinq ans et je ne vis plus avec ma mère depuis que j'en ai dix-huit ; calculez vous-mêmes, ça commence à faire.
Pourtant, dans un moment de désoeuvrement inexplicable - ma mère a toujours des choses vraiment passionnantes à faire - et d'étrange nostalgie - puisque par principe, le temps délicieux où j'avais deux ans et où j'étais dépendante d'elle s'éloigne de plus en plus -, elle vient de me dire sans rire :
"Ah, mon petit poulain rose, va."
Comment ça, c'est MIGNON ?... Non, ce n'est pas mignon, c'est infantilisant, débilisant et humiliant pour moi. La preuve en est que la seule réaction que j'aie eue sous le coup de la surprise fut : "Tu peux me répéter ça, maman ?" Et elle de le répéter, toujours sans rire. "Oui, tu es mon petit poulain rose, tiens." J'ai encore du mal à y croire. D'autant plus que je suis nettement moins son petit poulain rose quand je ne fais pas exactement ce qu'elle veut, que je prends une décision qu'elle n'aurait pas prise, que, d'une manière générale, je mène ma vie comme je l'entends.
Et pourtant, j'ai vingt-cinq ans. Et la plupart des jours de l'année, je suis à environ 350 kilomètres de chez elle. Et je ne lui téléphone pas plus d'une fois par semaine. A croire que c'est elle qui ne peut couper le cordon.
Cela dit, au moment où elle a sorti cette énormité, j'étais en train de me triturer les méninges pour trouver quelque chose à poster ici aujourd'hui. Actualité ? Mmmouais, je suis moyennement au point sur l'affaire Clearstream et des propos de Sarkozy sur l'immigration, je n'ai qu'une chose à dire : bullshit. C'est un peu léger. Culture ? Je ne suis pas allée au cinéma depuis des lustres et les livres que je suis en train de lire sont, euh... peu distrayants (je viens de commencer le Deuxième Sexe, c'est plutôt passionnant mais comme je n'en suis qu'à la page 33, je ne me sens pas encore assez armée pour en parler vraiment). Etats d'âme ? Bof, je me sens comme une bulle au milieu d'autres bulles : légère et sans pression, donc peu inspirée en la matière. Bref, ma mère est tombée à point pour me fournir la matière de ma bloguerie du jour.
Merci maman.
Photo : Pierre Magne
(Notez le choix judicieux de la photo, qui vaut aussi pour le message précédent ; ce qui pourrait vous donner l'idée d'aller le lire.)